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"La situation réunionnaise s’aggrave, comment sortir de l’impasse ?"


Édito
Mercredi 20 Février 2013

Rappelons-nous que le développement de la Réunion, s’enracine dans une histoire fondatrice d’une extrême violence, celle d’un crime contre l’humanité, celle de l’esclavage.


Chacun mesure bien que le résultat du retard de développement dans nos territoires  a pour nom inégalités et souffrance sociale des familles.

Plaider pour un réel aboutissement à la Réunion de la promesse républicaine de l’égalité.

L’histoire façonne et fait fonctionner pendant près de 300 ans à la Réunion, une société dont l’organisation renie par principe les droits fondamentaux de tout être humain : liberté et égalité en droit depuis la naissance et tout au long de la vie.

156 ans après que des révolutions, des régimes politiques différents, des guerres ont transformé le territoire français, ses départements et  leur  population pour les faire converger vers un projet de développement commun,

La Réunion connaît une mutation subite en passant d’une économie primaire essentiellement agricole à une société de surconsommation qui voit l’expansion rapide du secteur tertiaire.  

Ces changements d’une force et d’une rapidité sans commune mesure avec l’évolution de la société française, laisse la Réunion aux prises avec  des  inégalités profondes et persistantes (malgré l’alignement des prestations sociales), un malaise certain et une précarité grandissante.

Depuis 1946, malgré des progrès notables, des inégalités persistantes ont maintenu des situations de crises dans notre île.

D’abord, une crise structurelle, car les chiffres attestent que le rattrapage en matière d’accès aux soins, à l’éducation, aux loisirs, à l’information, à l’emploi…  reste à réaliser.

La démocratie est récente à La Réunion. Il y a 30 ans nous nous opposions encore à la fraude électorale organisée (à Saint-André par exemple).

La décentralisation s’est effectuée de manière incomplète. Nous devons bien mesurer l’impact de ce déficit pour notre île.

La crise conjoncturelle qui actuellement vit ses heures les plus dramatiques : 5500 PME ont accumulé plus de 800 millions de dettes, qui concernent plus de 50 000 familles. Cette crise frappera encore en 2013.

Cette crise économique a prolongé et densifié les situations de précarité dans lesquelles se trouvent plus de 52 % des familles réunionnaises qui vivent en dessous du seuil de pauvreté métropolitain (l’équivalent de 32 millions de personnes en France hexagonale).  Paradoxalement, comme une permanence des racines de l’inégalité  évoquée plus haut, plus de 3 000 foyers réunionnais sont  assujettis à l’ISF..

Les bénéficiaires des prestations sociales n'ont jamais été aussi nombreux avec 150.300 allocataires.  Le chômage touche plus de 35% (l’équivalent de 10 millions de chômeurs en France continentale). Chez les jeunes entre 18 et 26 ans il peut atteindre, le chiffre record de 60%.

La cherté de la vie et notre vulnérabilité par rapport aux fluctuations des cours mondiaux (du riz, du pétrole, du charbon, des matières premières et des denrées alimentaires…) posent de façon aigue les questions de la formation des prix et des monopoles dans la grande distribution.

Les crédits pour le logement social demeurent insuffisants ce qui engendre encore plus d’inégalités.

Comment freiner le processus d’exclusion ?

En somme avec un Indice de Développement Humain de 0.870, La Réunion régresse et se situe au 72ème rang mondial, derrière la Guadeloupe, la Martinique, le Portugal et la Roumanie par exemple, le France se classant au 20e rang.
On le voit bien la souffrance sociale (qui témoigne de la limite d’un système) est le résultat d’un modèle favorisant les inégalités. Il faut traiter ces retards de développement sur des bases républicaines (justice, égalité, fraternité).

Que faisons-nous ? Dans quelle mesure devons nous faire des propositions pour répondre à tous les défis majeurs et obtenir des actes concrets pour les relever ?

Comment jeter les bases d’un rassemblement autour de projets cohérents, autour d’une vision partagée d’avenir ouvrant des pistes  afin de résoudre des problèmes qui gangrènent notre société et que la départementalisation n’a toujours pas su résoudre de manière pérenne (le chômage, le logement, la pauvreté et la précarité…).

Autour d’un projet de développement durable, humain et solidaire. Avec des femmes et des hommes soucieux de l’intérêt général et collectif. Autour des valeurs et d’idéaux de démocratie, de progrès social, d’intégrité.

Comment sortir notre jeunesse de l’angoisse imposée par la précarité et la pauvreté, le chômage ou le manque de logement !

Comment construire cette communauté de destin ? Comment faire gagner La Réunion ?

C’est en fait notre capacité à considérer tous les problèmes environnant et à les resituer dans notre contexte local qui nous permettra de répondre à ces défis de façon globale et cohérente.

Cela suppose en fait que nous trouvions les modalités d’adapter localement les règlements et les lois pour être réactifs et innovants. La Réunion a besoin d’un nouveau souffle. Ne pas céder au fatalisme et anticiper à chaque fois, en tenant compte que le monde bouge. Nous avons besoin d’une nouvelle ambition pour construire notre avenir.

J’aurais tendance à dire que nous devons adapter  notre économie et notre mode de fonctionnement. De nombreux économistes soulignent que la croissance de la Réunion passe par plus d’échanges régionaux. Prenons bien en compte que la zone géographique proche se développe rapidement créant des opportunités.  

Par conséquent, notre responsabilité est de  faire les choix pour que les Réunionnais soient les acteurs de cet environnement en mutation. Nous devons innover pour cesser d’en être de simples consommateurs et en devenir les forces vives capables de produire des richesses, matérielles ou immatérielles, de façon à inverser la courbe au profit de l’exportation.

Il faut rééquilibrer la balance commerciale et créer. C’est donc une petite révolution  de notre schéma de pensée, un nouvel état d’esprit à adopter.

En tant qu’acteur de terrain et de proximité (Maire et conseiller général), je veux rester pragmatique et suis le témoin d’une réalité difficile. Je suis particulièrement attaché à l’idée  de communauté de destin. Elle  est fondamentale à mes yeux, indispensable car malgré des et origines racines différentes, l’unité dans la diversité a eu lieu à un moment ou à un autre de l’Histoire.

Ce rassemblement autour d’une une identité commune doit se consolider. Nous devons en faire la promotion.

C’est parce que nous appartenons à une même communauté de destin que nous devons solidairement répondre durablement aux défis du futur.

Ainsi, Il nous faut donc obtenir des règles législatives adaptées à notre réalité et aux évolutions à venir. Le réflexe d’adaptation doit animer chaque loi économique, sociale, familiale, environnementale ou autre défendue par nos parlementaires.

Je pense qu’une plus grande souplesse est nécessaire dans l’exercice des compétences décentralisées. Une nouvelle ère de décentralisation est à mon sens incontournable. Je plaide pour une décentralisation accentuée avec un Etat régulateur.

Le chemin de recentralisation qui a été suivi précédemment, avec l’asphyxie des collectivités locales est en contradiction avec la notion même de "développement endogène".

Il faut nous inscrire dans un nouveau processus. Un processus où l’Etat n’est ni providence, ni censeur, mais régulateur. Ce processus doit être celui de la co-responsabilité et de la co-décision complétées par de la démocratie participative pour poursuivre la responsabilisation du citoyen.

Aujourd’hui, je dis  avec clarté : chacun doit prendre ses responsabilités pour construire La Réunion de demain. Nous devons nous poser la question du projet de société. Est-ce un projet basé sur l’individualisme, l’intérêt de personnes ou au contraire un projet collectif, discuté, élaboré, approuvé et décidé par et  pour l’ensemble des réunionnais ?

Un projet cohérent tenant compte des différentes problématiques et répondant aux défis du futur.

C’est un réflexe humain et patriotique que nous devons avoir. User du droit à l’expérimentation, en se basant sur un service public fort mais aussi innover dans  l’intérêt général et offrir de réelles perspectives de développement durable… Un modèle qui prenne en compte l’étroitesse du marché de l’emploi, cette dimension de vivre au pays et parallèlement la nécessité de conquérir le monde.

Ce modèle ferait du développement de l’esprit d’entreprenariat une volonté politique forte et enfin un modèle posant sans tabou l’idée d’une répartition des richesses plus juste (en posant le problème de la structure des revenus).

Un  projet résolument placé dans le cadre de la République française et qui considère le citoyen tout au long et en fin de vie.

Eric Fruteau


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